TUNIS – Un séisme financier secoue la Tunisie : l’affaire Ben Romdhane, du nom de l’homme d’affaires Adel Ben Romdhane, ancien magnat de l’huile d’olive, révèle une exposition bancaire massive de 450,7 millions de dinars (environ 150 millions d’euros) par la BH Bank, soit près du double de son capital social. Ce prêt colossal, accordé à un seul client, dépasse largement le seuil réglementaire de 25 % des fonds propres fixé par la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Cette concentration excessive des risques met en lumière des défaillances dans les mécanismes de contrôle interne de la banque publique.
Au 31 décembre 2024, les engagements envers le groupe Ben Romdhane étaient considérés comme sains. Cependant, suite à des difficultés de recouvrement, des pressions sur les prix et la fuite de l’homme d’affaires à l’étranger, la BH Bank a été contrainte de reclasser cette exposition en créance incertaine. Cette situation a entraîné une révision à la baisse du résultat net de la banque, passant de 108 millions de dinars à 70,4 millions de dinars pour l’exercice 2024.
L’impact de cette affaire dépasse le cadre bancaire. Le groupe Ben Romdhane était un acteur majeur du secteur oléicole, employant près de 200 000 personnes. Sa chute a provoqué un effet domino, fragilisant l’ensemble de la filière et menaçant la stabilité économique des zones rurales dépendantes de l’oléiculture.
Ce scandale met en lumière une vulnérabilité structurelle de l’écosystème économique tunisien, où des acteurs économiques majeurs, parfois peu encadrés et lourdement endettés, peuvent, en s’effondrant, déclencher des effets en chaîne aux conséquences dramatiques. L’absence de mécanismes efficaces de prévention et de gestion des risques expose la Tunisie à un véritable risque de crise systémique, avec des faillites en cascade, des pertes d’emplois massives et une dégradation de la réputation du pays sur les marchés internationaux.
L’affaire Ben Romdhane n’est malheureusement pas un cas isolé dans le paysage bancaire tunisien. Plusieurs scandales similaires ont secoué les institutions financières publiques, mettant en lumière des pratiques de gouvernance douteuses, des concentrations de crédits excessives et des créances douteuses massives. Voici un aperçu de ces affaires :
Les trois principales banques publiques tunisiennes — la Société Tunisienne de Banque (STB), la Banque Nationale Agricole (BNA) et la BH Bank — accumulent des créances douteuses s’élevant à environ 6,87 milliards de dinars, soit près de 51 % des revenus attendus de la réconciliation pénale, estimés à 13,5 milliards de dinars. Cette situation reflète une mauvaise gestion des risques et un manque de contrôle interne au sein de ces institutions .
En 2015, la Banque Franco-Tunisienne a révélé une perte consolidée de 317 millions de dinars, principalement due à un stock de créances douteuses. Ce scandale a mis en évidence des pratiques de crédit risquées et un manque de transparence dans la gestion des risques au sein de la banque .
Les banques privées tunisiennes ne sont pas exemptes de problèmes similaires. Le rapport de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) de 2024 indique que les banques ont augmenté leurs opérations de radiation, c’est-à-dire le retrait ou l’annulation de créances considérées comme difficiles à recouvrer. Cela suggère une gestion proactive des créances douteuses, mais aussi une reconnaissance de la présence de telles créances dans le système bancaire .
Outre l’affaire Ben Romdhane, la BH Bank a été impliquée dans d’autres scandales financiers. En 2023, la banque a été victime d’une cyberattaque majeure, compromettant les données sensibles de ses clients. Cet incident a soulevé des questions sur la sécurité des systèmes d’information et la gestion des risques technologiques au sein de la banque .
Des économistes et des analystes financiers soulignent que ce scandale révèle des failles profondes dans la gouvernance bancaire et la régulation financière en Tunisie. Ils appellent à une réforme urgente du système de contrôle des risques, à une meilleure surveillance des concentrations de crédits et à une plus grande transparence dans la gestion des institutions financières publiques. Voici les principales recommandations :
La Banque Centrale de Tunisie (BCT) impose un plafond de 25 % des fonds propres pour les crédits accordés à un seul client. Cependant, des cas comme celui de la BH Bank montrent que ce seuil peut être dépassé sans déclencher d’alerte. Les experts suggèrent :
Les banques publiques tunisiennes, telles que la BH Bank, sont souvent confrontées à des problèmes de gouvernance. Pour améliorer leur efficacité :
La transparence est essentielle pour prévenir les risques systémiques. Les actions proposées incluent :
Une culture de gestion des risques est cruciale. Les recommandations incluent :
Pour gérer efficacement les crises financières, il est proposé de :
L’affaire Ben Romdhane n’est pas un simple incident isolé ; elle incarne une crise systémique mettant en lumière des failles profondes dans le système bancaire tunisien. Pour prévenir de futurs scandales financiers, il est impératif de mettre en œuvre les réformes proposées, renforçant ainsi la stabilité et la confiance dans le secteur bancaire.