Affaire Ben Romdhane : La BH Bank au Cœur d’un Scandale Financier Inédit

SAMI
September 3, 2025 7 mins to read
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TUNIS – Un séisme financier secoue la Tunisie : l’affaire Ben Romdhane, du nom de l’homme d’affaires Adel Ben Romdhane, ancien magnat de l’huile d’olive, révèle une exposition bancaire massive de 450,7 millions de dinars (environ 150 millions d’euros) par la BH Bank, soit près du double de son capital social. Ce prêt colossal, accordé à un seul client, dépasse largement le seuil réglementaire de 25 % des fonds propres fixé par la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Cette concentration excessive des risques met en lumière des défaillances dans les mécanismes de contrôle interne de la banque publique.

Une Chute Vertigineuse : Du Modèle Économique à la Créance Incertaine

Au 31 décembre 2024, les engagements envers le groupe Ben Romdhane étaient considérés comme sains. Cependant, suite à des difficultés de recouvrement, des pressions sur les prix et la fuite de l’homme d’affaires à l’étranger, la BH Bank a été contrainte de reclasser cette exposition en créance incertaine. Cette situation a entraîné une révision à la baisse du résultat net de la banque, passant de 108 millions de dinars à 70,4 millions de dinars pour l’exercice 2024.

Des Répercussions au-Delà du Secteur Bancaire

L’impact de cette affaire dépasse le cadre bancaire. Le groupe Ben Romdhane était un acteur majeur du secteur oléicole, employant près de 200 000 personnes. Sa chute a provoqué un effet domino, fragilisant l’ensemble de la filière et menaçant la stabilité économique des zones rurales dépendantes de l’oléiculture.

Une Crise Systémique en Gestation

Ce scandale met en lumière une vulnérabilité structurelle de l’écosystème économique tunisien, où des acteurs économiques majeurs, parfois peu encadrés et lourdement endettés, peuvent, en s’effondrant, déclencher des effets en chaîne aux conséquences dramatiques. L’absence de mécanismes efficaces de prévention et de gestion des risques expose la Tunisie à un véritable risque de crise systémique, avec des faillites en cascade, des pertes d’emplois massives et une dégradation de la réputation du pays sur les marchés internationaux.


L’affaire Ben Romdhane n’est malheureusement pas un cas isolé dans le paysage bancaire tunisien. Plusieurs scandales similaires ont secoué les institutions financières publiques, mettant en lumière des pratiques de gouvernance douteuses, des concentrations de crédits excessives et des créances douteuses massives. Voici un aperçu de ces affaires :


1. Les créances douteuses des banques publiques tunisiennes

Les trois principales banques publiques tunisiennes — la Société Tunisienne de Banque (STB), la Banque Nationale Agricole (BNA) et la BH Bank — accumulent des créances douteuses s’élevant à environ 6,87 milliards de dinars, soit près de 51 % des revenus attendus de la réconciliation pénale, estimés à 13,5 milliards de dinars. Cette situation reflète une mauvaise gestion des risques et un manque de contrôle interne au sein de ces institutions .


2. Le scandale de la Banque Franco-Tunisienne (BFT)

En 2015, la Banque Franco-Tunisienne a révélé une perte consolidée de 317 millions de dinars, principalement due à un stock de créances douteuses. Ce scandale a mis en évidence des pratiques de crédit risquées et un manque de transparence dans la gestion des risques au sein de la banque .


3. Les créances douteuses dans les banques privées

Les banques privées tunisiennes ne sont pas exemptes de problèmes similaires. Le rapport de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) de 2024 indique que les banques ont augmenté leurs opérations de radiation, c’est-à-dire le retrait ou l’annulation de créances considérées comme difficiles à recouvrer. Cela suggère une gestion proactive des créances douteuses, mais aussi une reconnaissance de la présence de telles créances dans le système bancaire .


4. Le cas de la Banque de l’Habitat (BH Bank)

Outre l’affaire Ben Romdhane, la BH Bank a été impliquée dans d’autres scandales financiers. En 2023, la banque a été victime d’une cyberattaque majeure, compromettant les données sensibles de ses clients. Cet incident a soulevé des questions sur la sécurité des systèmes d’information et la gestion des risques technologiques au sein de la banque .

Analyse d’Experts : Recommandations et Actions Concrètes

Des économistes et des analystes financiers soulignent que ce scandale révèle des failles profondes dans la gouvernance bancaire et la régulation financière en Tunisie. Ils appellent à une réforme urgente du système de contrôle des risques, à une meilleure surveillance des concentrations de crédits et à une plus grande transparence dans la gestion des institutions financières publiques. Voici les principales recommandations :

1. Renforcer la surveillance des concentrations de crédit

La Banque Centrale de Tunisie (BCT) impose un plafond de 25 % des fonds propres pour les crédits accordés à un seul client. Cependant, des cas comme celui de la BH Bank montrent que ce seuil peut être dépassé sans déclencher d’alerte. Les experts suggèrent :

  • Mettre en place des mécanismes de détection précoce pour identifier les concentrations de crédit excessives.
  • Renforcer les contrôles internes au sein des banques pour assurer le respect des ratios prudentiels.
  • Exiger des rapports réguliers sur la concentration des crédits, notamment auprès des 50 premiers déposants en dinar, comme le stipule la circulaire n°2018-10 de la BCT.

2. Réformer la gouvernance des banques publiques

Les banques publiques tunisiennes, telles que la BH Bank, sont souvent confrontées à des problèmes de gouvernance. Pour améliorer leur efficacité :

  • Clarifier les rôles et responsabilités des organes de gouvernance, notamment des conseils d’administration et des comités de direction.
  • Assurer une indépendance réelle des instances de décision pour éviter les interférences politiques.
  • Mettre en place des mécanismes de reddition de comptes pour garantir la transparence et la responsabilité.

3. Améliorer la transparence financière

La transparence est essentielle pour prévenir les risques systémiques. Les actions proposées incluent :

  • Publier régulièrement des états financiers détaillés, y compris des informations sur les concentrations de crédit et les créances douteuses.
  • Mettre en place des audits externes indépendants pour évaluer la santé financière des institutions bancaires.
  • Renforcer la communication avec les parties prenantes, y compris les actionnaires, les régulateurs et le public.

4. Former et sensibiliser les acteurs du secteur bancaire

Une culture de gestion des risques est cruciale. Les recommandations incluent :

  • Organiser des formations régulières pour les cadres bancaires sur la gestion des risques et la conformité réglementaire.
  • Promouvoir une culture de responsabilité au sein des institutions financières.
  • Encourager l’échange d’expériences avec des institutions financières internationales pour adopter les meilleures pratiques.

5. Mettre en place un mécanisme de résolution des crises

Pour gérer efficacement les crises financières, il est proposé de :

  • Établir des plans de redressement pour les banques en difficulté, comme le prévoit la circulaire n°2017-02 de la BCT.
  • Créer un fonds de garantie pour soutenir les banques en cas de crise systémique.
  • Renforcer la coopération entre la BCT, le ministère des Finances et d’autres parties prenantes pour une gestion coordonnée des crises.

Conclusion

L’affaire Ben Romdhane n’est pas un simple incident isolé ; elle incarne une crise systémique mettant en lumière des failles profondes dans le système bancaire tunisien. Pour prévenir de futurs scandales financiers, il est impératif de mettre en œuvre les réformes proposées, renforçant ainsi la stabilité et la confiance dans le secteur bancaire.



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