
La loi de finances tunisienne 2026, promulguée le 12 décembre 2025, marque un tournant dans la politique économique tunisienne avec un budget total de 63,575 milliards de dinars en dépenses contre 52,560 milliards en recettes, soit un déficit de 11,015 milliards de dinars.
Principales évolutions par rapport à 2025 :
Le budget 2026 affiche une augmentation d’environ 8% des dépenses comparé à 2025, principalement portée par trois axes stratégiques : le renforcement du pouvoir d’achat via des augmentations salariales programmées sur trois ans, la création d’emplois pour les diplômés, et la diversification des sources de financement de la sécurité sociale.
Orientations budgétaires clés :
La loi s’articule autour de sept axes majeurs identifiés dans le texte : consolidation du rôle social de l’État, soutien aux entreprises et investissement, interventions sociales ciblées, soutien aux contributions sociales, renforcement des institutions publiques, transition énergétique et écologique, et réforme fiscale avec digitalisation des services.
Impact économique attendu :
Le financement du déficit repose sur un endettement de 27,064 milliards de dinars, réparti entre emprunts extérieurs (6,808 milliards), emprunts intérieurs (19,056 milliards) et ressources de trésorerie (1,200 milliard). Cette structure traduit une dépendance accrue à l’endettement domestique, passant de 68% à 70% du financement total.
La loi introduit plusieurs mécanismes innovants de financement des caisses sociales :
Contribution des institutions financières et de télécommunications :
Nouvelle fiscalité sur les transactions numériques :
Augmentation des droits d’enregistrement :
Allègement progressif sur les pensions de retraite (Article 56) :
Impact chiffré : Pour une pension de 1 000 dinars mensuels (12 000 dinars/an), l’économie d’impôt progressive sera :
Régime fiscal simplifié pour petites entreprises (Article 91) :
Création d’un impôt forfaitaire optionnel pour les commerçants réalisant <100 000 dinars de CA annuel :
Comparaison 2025 : Ce régime n’existait pas. Les petits commerçants étaient soumis au régime réel avec taux progressifs atteignant 35%.
Révision complète du dispositif introduit en 2023 :
Barèmes 2026 :
Assiette élargie :
Exemple calculé : Un particulier possédant un patrimoine de 6 millions de dinars (hors résidence principale) paiera :
En 2025, ce même patrimoine aurait été imposé différemment selon l’ancien barème.
Taux réduit à 7% étendu :
Suspension de TVA élargie :
Comparaison 2025 : La TVA à 7% concernait principalement l’alimentaire et certains biens de première nécessité. L’extension 2026 vers les technologies vertes et la production locale est nouvelle.
Recettes détaillées :
Structure des dépenses :
Secteur agricole (Chapitres 23-31) :
Ligne de financement PME agricoles (Article 23) :
Financement petits agriculteurs (Article 27) :
Ligne dédiée pêcheurs et agriculteurs (Article 30) :
Total agriculture : ~35 millions de dinars nouveaux (vs ~20 millions en 2025, soit +75%)
Secteur entrepreneurial et PME (Articles 24-26) :
Sociétés citoyennes (Article 24) :
PME et TPE (Article 25) :
Autofinancement entrepreneurs (Article 26) :
Total entrepreneuriat : 68 millions de dinars (vs ~30 millions en 2025, soit +127%)
Secteur social et handicap (Articles 32-36) :
Fonds personnes en situation de handicap (Article 32) :
Allocations mensuelles nouvelles :
Comparaison 2025 : Ces allocations ciblées n’existaient pas. Budget social handicap estimé à +200 millions de dinars supplémentaires.
Transition énergétique (Articles 45-47) :
Fonds transition énergétique (Article 45) :
Incitations véhicules hybrides/électriques :
Estimation investissements verts : +500 millions de dinars mobilisables via effet de levier bancaire.
Cinéma et audiovisuel (Article 61) :
Création Fonds encouragement investissement cinéma :
50% des ressources dédiées à garantie prêts bancaires secteur
Estimation : 15-20 millions de dinars/an (nouveau secteur financé)
Santé :
Emploi et formation :
Estimation budget emploi 2026 : +25% vs 2025
Logement social (Article 21) :
Structure financement déficit 2026 :
Comparaison 2025 :
Facilités Banque Centrale (Article 12) :
Dette publique prévisionnelle 2026 : ~95-100 milliards de dinars (estimation)
Article 69 – Règlement dettes fiscales :
Abandons de pénalités :
Durée échelonnement : maximum 5 ans
Déclarations rectificatives (Section II) :
Impact attendu : régularisation 500-800 millions de dinars
Article 50 – Régularisation marchandises douanières :
Article 82 – Régularisation dépôts communaux :
Article 84 – Marchés publics BTP :
Estimation recouvrements amnisties : 1-1,5 milliard de dinars
Digitalisation fiscale (Articles 52-54) :
Facilitation commerce extérieur (Article 74) :
Voitures familiales résidents (Article 55) :
Nouvel avantage fiscal importation/achat véhicule une fois tous les 5 ans :
Comparaison 2025 : Cet avantage n’existait que pour Tunisiens de l’étranger. Extension aux résidents = démocratisation accès automobile.
Le gouvernement tunisien vient d’adopter un budget de 63,6 milliards de dinars pour 2026, avec des mesures concrètes qui vont impacter votre quotidien. Voici ce qu’il faut retenir, en clair.
La loi acte une augmentation des salaires et pensions sur trois ans. Concrètement, si vous gagnez 1 000 dinars aujourd’hui, vous toucherez plus dès 2026, puis encore plus en 2027 et 2028. Les montants exacts seront fixés par décret, mais c’est la première fois qu’une loi de finances programme des hausses salariales sur plusieurs années pour anticiper l’inflation.
Impact : Pour un salaire de 1 500 dinars, une augmentation de 5% annuelle représenterait +225 dinars/an dès 2026, puis cumulativement plus en 2027-2028.
Votre pension sera moins taxée chaque année jusqu’en 2029. Aujourd’hui, 25% de votre pension est déduit avant calcul de l’impôt. Ce taux passera à 30% en 2027, 40% en 2028, et 50% en 2029.
Exemple concret : Vous êtes retraité avec une pension de 1 200 dinars/mois (14 400 dinars/an incluant 13ème mois). Aujourd’hui, vous déduisez 3 600 dinars (25%), vous êtes imposé sur 10 800 dinars. En 2029, vous déduirez 7 200 dinars (50%), imposé sur seulement 7 200 dinars. Économie fiscale estimée : 400-600 dinars/an selon votre tranche.
Plusieurs secteurs vont cotiser davantage :
Impact sur vous : Pour un ménage moyen faisant 4 recharges/mois de 10 dinars et 8 courses/mois >50 dinars en hypermarché, surcoût annuel estimé : ~100 dinars/an.
Grande nouveauté : les résidents tunisiens pourront importer ou acheter localement un véhicule neuf ou d’occasion avec avantages fiscaux une fois tous les 5 ans. Les taxes passent de 30-60% à 10%, la TVA de 19% à 7%. Les voitures électriques, hybrides rechargeables ou assemblées localement sont totalement exonérées.
Conditions : Revenu familial ≤10× SMIG (individu) ou ≤14× (couple), ne pas posséder de voiture <8 ans, engagement de non-revente 5 ans.
Calcul pour une voiture à 40 000 dinars importée :
Si vous êtes commerçant avec un chiffre d’affaires <100 000 dinars/an (sans import-export, sans activité libérale), vous pouvez choisir de payer un impôt fixe au lieu du régime compliqué actuel :
Avantage clé : Vous ne serez pas contrôlé fiscalement pendant 6 ans si vous optez pour ce régime.
Exemple : Une épicerie rurale faisant 45 000 dinars de CA paiera 2 000 dinars/an forfaitaires. Avant, avec un bénéfice net estimé à 30% (13 500 dinars), l’impôt progressif atteignait ~2 700 dinars. Économie : 700 dinars/an + tranquillité administrative.
Des allocations mensuelles ciblées sont créées :
Un Fonds pour les personnes en situation de handicap est créé, financé par un prélèvement de 1% sur les indemnités d’accidents de travail et de circulation.
Impact : Environ 10 000-15 000 familles bénéficieront de ces aides, soit un soutien budgétaire de ~250-300 millions de dinars sur 2026-2027.
Vous avez des dettes fiscales anciennes ? Plusieurs dispositifs d’effacement de pénalités :
Dettes fiscales antérieures à 2026 :
Marchandises bloquées en douane depuis >5 ans :
Voitures en fourrière municipale :
Prenons Ahmed et Leila, couple tunisien avec 2 enfants vivant à Tunis. Ahmed est fonctionnaire (2 000 dinars/mois), Leila employée secteur privé (1 200 dinars/mois). Revenu annuel foyer : ~42 000 dinars.
Revenus annuels :
Impôts et charges :
Dépenses courantes :
Revenu net disponible 2025 : 41 600 – 3 200 – 3 900 = 34 500 dinars
Nouveaux revenus (augmentation salariale estimée +5%) :
Nouveaux impôts et charges :
Nouvelle opportunité : achat voiture Ahmed et Leila décident d’acheter une voiture familiale d’occasion 4 ans (valeur 35 000 dinars) localement :
Bilan 2026 :
Avec augmentations salariales programmées et allègement fiscal progressif :
Gain cumulé 2026-2029 : +15-18% pouvoir d’achat si inflation maîtrisée à 6-7%/an.
Le gouvernement triple la mise sur l’emploi :
Embauche diplômés secteur privé : L’État prend en charge les cotisations patronales progressivement sur 5 ans (100% la 1ère année → 20% la 5ème). Objectif : inciter 50 000 embauches de diplômés bac+3 minimum.
Calcul employeur : Pour un diplômé à 1 500 dinars/mois, les cotisations patronales (~16% = 240 dinars/mois) sont économisées totalement la 1ère année, soit 2 880 dinars de coût salarial en moins. Sur 5 ans, économie dégressive totale : ~8 600 dinars par employé.
Lignes de crédit emploi :
Total emploi : 103 millions de dinars en nouveaux financements vs ~40 millions en 2025 (+158%).
Calendrier : Dispositifs opérationnels dès janvier 2026, gérés par Banque Tunisienne de Solidarité et Banque de Financement des PME.
Face à la sécheresse et à la crise alimentaire, le secteur agricole devient prioritaire :
Financements ciblés :
Nouvelles facilités importation : Autorisation d’import groupé coopératif de matériel agricole (tracteurs, moissonneuses, matériel irrigation) neuf ou d’occasion <5 ans avec exonération totale droits douane et taxes. Restriction revente 7 ans.
Exemple : Une coopérative de 20 agriculteurs peut importer un tracteur collectif de 80 000 dinars. Avant : 80 000 + taxes ~35 000 = 115 000 dinars. Avec 2026 : 80 000 dinars (économie 35 000 dinars, soit 1 750 dinars/agriculteur).
Régularisation dettes agricoles anciennes (>10 ans) :
Impact attendu : Relance investissements agricoles +30%, augmentation production céréales/lait 10-15%.
Le budget santé est renforcé sur plusieurs axes :
Gratuité élargie :
Équipements et médicaments :
Allocations maladies rares :
Recrutement : La loi prévoit l’intégration de tous les assistants santé en liste d’attente (plusieurs milliers de postes) + régularisation contractuels/précaires hôpitaux.
Calendrier : Décrets d’application attendus 1er trimestre 2026 pour opérationnalisation.
L’État mise sur l’effet levier bancaire pour financer la transition verte :
Fonds Transition Énergétique élargi :
Calcul crédit solaire résidentiel : Installation 15 000 dinars avec crédit bancaire 7 ans à 9%. Avec subvention État, taux effectif 6% :
Incitations véhicules propres :
Objectif : 100 000 installations solaires résidentielles supplémentaires 2026-2028, 5 000 taxis électriques, 20 000 véhicules hybrides/électriques vendus.
Impact climat : Réduction émissions CO2 estimée 200 000 tonnes/an d’ici 2028.
Création d’un Fonds Encouragement Investissement Cinéma pour structurer le secteur :
Financement :
Interventions du fonds :
50% du fonds sera dédié à la garantie bancaire pour financer équipements productions privées.
Exemple : Un studio de production investissant 500 000 dinars en matériel (caméras 4K, éclairage, post-production) obtiendra une garantie État permettant crédit bancaire à taux réduit ~6% vs 11% standard. Économie intérêts : ~120 000 dinars sur 7 ans.
Objectif : Faire de la Tunisie un hub de tournages régional (concurrence Maroc), 200 emplois directs créés/an, 50 films/séries coproduits d’ici 2028.
Les augmentations salariales programmées sur 2026-2028 répondent à une urgence sociale après 4 ans d’inflation cumulée >25%. Mais le gouvernement refuse une hausse brutale qui déstabiliserait les entreprises. La progressivité permet :
Le pari : Redonner confiance pour relancer la consommation (+3-4% en 2026) sans relancer l’inflation (cible 6-7% vs 9% en 2024).
Les nouvelles contributions (banques, télécoms, grandes surfaces) visent à réduire la pression sur les cotisations salariales qui freinent l’embauche. En faisant contribuer les secteurs à forte rentabilité, le gouvernement :
Le risque : Répercussion partielle sur les consommateurs via prix (téléphonie, courses). D’où le maintien d’un taux modéré (0,1 dinar recharge, 1,5-2 dinars facture).
L’avantage fiscal voiture familiale résidents est une mesure symbolique forte. Jusqu’ici, seuls les Tunisiens de l’étranger et catégories spécifiques (handicap, militaires) accédaient à ce régime. L’extension vise :
Le calcul : 50 000 véhicules/an avec ce régime généreraient ~500 millions dinars droits douane réduits (vs 1,2 milliard théorique), mais +300 millions consommation annexe (assurance, carburant, entretien, pièces). Bilan net pour l’État : neutre à légèrement positif.
Le risque : Engorgement demande si quotas mal calibrés. D’où le seuil minimal 10% importations annuelles (soit ~50-60 000 véhicules garantis).
Les multiples amnisties fiscales et douanières poursuivent un double but :
Le mécanisme : Effacer pénalités (souvent 200-300% du principal) pour récupérer le principal. Un créancier devant 10 000 dinars + 25 000 pénalités préfère régler 10 000 que rester en conflit éternel.
L’arbitrage : Sacrifier des créances théoriques (pénalités jamais payées) pour encaisser du cash réel (principal).
L’allègement fiscal progressif sur pensions anticipe le choc démographique 2025-2035 : 1,8 million de retraités aujourd’hui, 2,5 millions en 2035. En réduisant leur fiscalité, l’État :
Le coût : Manque à gagner fiscal ~200 millions dinars/an en 2029, mais économies dépenses sociales ~100 millions. Coût net : 100 millions pour 1,8 million de retraités = 55 dinars/retraité/an.
Les allocations ciblées maladies rares/handicap/autisme, quoique modestes budgétairement (250-300 millions sur 3 ans), ont une forte valeur politique :
L’arbitrage : Préférer 150 dinars/mois à 5 000 familles très précaires plutôt que 10 dinars/mois à tous les foyers modestes (coût identique, impact vécu très différent).
Si l’économie réagit positivement :
Signaux positifs à surveiller :
Si les freins structurels persistent :
Risques principaux :
Si chocs externes (guerre, sécheresse, crise financière) :
Signaux d’alerte :
Si vous êtes salarié(e) : ✅ Vérifiez votre bulletin de paie dès février 2026 (augmentation effective) ✅ Si vous louez un logement, anticipez une possible hausse loyers (+inflation autorisée 7%) ✅ Profitez de l’avantage voiture familiale si votre véhicule actuel >6 ans et revenu éligible
Si vous êtes retraité(e) : ✅ Vos impôts 2027 sur revenus 2026 seront réduits (déduction 25% → 30%) ✅ Recalculez votre budget avec gain fiscal ~200-400 dinars/an selon tranche ✅ Anticipez vos dépenses santé (amnistie dettes hôpitaux si carte soins)
Si vous êtes entrepreneur(e)/commerçant(e) : ✅ Évaluez le régime forfaitaire optionnel si CA <100 000 dinars (simplicité + sécurité) ✅ Sollicitez lignes de crédit préférentielles sectorielles (PME, agriculture, artisanat) ✅ Profitez amnistie fiscale avant 30 juin 2026 si dettes anciennes (pénalités effacées)
Si vous êtes sans emploi diplômé(e) : ✅ Ciblez PME secteur privé (État finance leurs cotisations patronales 5 ans) ✅ Consultez dispositifs Fonds National Emploi (formation + placement) ✅ Envisagez entrepreneuriat (autofinancement 23 millions sans intérêt disponibles)
Si vous avez un proche en situation de handicap/maladie rare : ✅ Recensez-vous auprès services sociaux pour nouvelles allocations (130-150 dinars/mois) ✅ Informez-vous sur Fonds Personnes Handicap (formations, emploi, équipements) ✅ Vérifiez éligibilité véhicule adapté (exonérations élargies)
La loi de finances 2026 tente un équilibre difficile : redonner du pouvoir d’achat sans aggraver le déficit, soutenir l’emploi sans alourdir les charges, financer le social en taxant les secteurs rentables. Les premiers résultats seront visibles au 2ème trimestre 2026. Une chose est sûre : cette année, le budget vous concerne directement.