Le nouveau Code des changes tunisien : une révolution législative attendue pour 2026

SAMI
October 25, 2025 6 mins to read
Share

La Tunisie est sur le point de marquer une étape historique dans sa réglementation financière. Après près de cinquante ans d’application du cadre juridique actuel, datant de 1976, le pays se prépare à adopter un nouveau Code des changes dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2026. Ce texte, approuvé par le Conseil des ministres en mars 2024 et en cours d’examen parlementaire, marque un tournant décisif pour la régulation des changes en Tunisie. Il vise une modernisation fondamentale, conciliant libéralisation progressive et préservation de la stabilité macroéconomique. Cette réforme intervient dans un contexte économique délicat, marqué par des réserves de change limitées et une pression croissante des opérateurs économiques, notamment les startups et les PME, qui réclament une adaptation de la législation aux défis de l’économie numérique du 21e siècle.

Code des changes

Avertissement sur le statut juridique

Précision importante : En octobre 2025, le nouveau Code des changes n’a pas encore été promulgué au Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT). Il s’agit d’un projet de loi approuvé en mars 2024, dont l’adoption parlementaire est attendue avant fin 2025 pour une mise en œuvre effective en 2026. Le cadre juridique actuel demeure la Loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, modifiée par la Loi n° 93-48 du 3 mai 1993, qui continue de régir les opérations de change. Les informations présentées ici concernant le Code de 2026 se basent sur les orientations officielles du Ministère des Finances et de la Banque Centrale de Tunisie.

Du cadre restrictif de 1976 à la libéralisation mesurée de 2026

Le Code de 1976 : un instrument de contrôle devenu obsolète

Le Code des changes actuellement en vigueur, fondé sur la Loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, impose un contrôle strict des mouvements de capitaux et une obligation de cession des devises à la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Ce système a institué une distinction entre les opérations courantes, libéralisées depuis la réforme de 1993, et les mouvements de capitaux, toujours soumis à une autorisation préalable. Le cadre actuel ne prend pas en compte les évolutions de l’économie numérique, notamment l’émergence des cryptomonnaies, des plateformes de paiement comme PayPal, et les besoins des entreprises modernes en matière de transferts financiers transfrontaliers.

Les objectifs du nouveau Code de 2026

Le projet de réforme vise à atteindre quatre objectifs stratégiques :

  1. Libéralisation progressive des échanges financiers avec l’étranger, tout en préservant les équilibres macroéconomiques.
  2. Modernisation du cadre juridique pour inclure l’économie numérique et les fintechs, ainsi que les nouveaux modes de travail (télétravail, freelancing international).
  3. Amélioration du climat des affaires pour attirer davantage d’investissements directs étrangers (IDE), avec un objectif ambitieux de 4 milliards de dinars annuels pour la période 2026-2030.
  4. Lutte contre l’économie informelle et le marché parallèle des devises, en offrant des canaux légaux simplifiés.

Les principales modifications du Code de 2026

DomaineCode de 1976Code 2026Impact
Comptes en devisesLimités aux professionnelsOuverture élargie aux freelances et professions libéralesRévolution pour l’économie numérique
CryptomonnaiesAbsence de cadre juridiqueCadre légal avec obligations de déclaration et rapatriementReconnaissance officielle des crypto-actifs
Plateformes de paiementPayPal interditAutorisation explicite de PayPal et plateformes similairesModernisation des services de paiement
Investissements à l’étrangerStrictement limitésLibéralisation progressiveInternationalisation des entreprises tunisiennes

Les ruptures majeures du Code 2026

Le Code 2026 introduit trois ruptures fondamentales :

  1. La redéfinition de la résidence : Actuellement, un Tunisien à l’étranger doit attendre deux ans pour obtenir le statut de non-résident. Avec la réforme, ce délai sera réduit à six mois, facilitant ainsi les investissements et les opérations financières transfrontalières.
  2. La reconnaissance des cryptomonnaies : Contrairement à la législation actuelle qui ne prévoit aucune disposition pour les crypto-actifs, le nouveau code leur attribue un cadre légal spécifique, avec des obligations de déclaration et de rapatriement.
  3. L’ouverture des comptes à l’étranger : Le Code actuel interdit aux résidents de détenir des comptes bancaires à l’étranger sans autorisation. La réforme permettra aux entreprises tunisiennes de remplir des critères spécifiques et d’ouvrir des comptes à l’étranger pour faciliter leurs transactions internationales.

Continuité et adaptation

Le nouveau Code conserve certains principes clés du régime actuel, notamment la convertibilité limitée du dinar et l’interdiction de l’exportation physique de la monnaie nationale. Toutefois, il introduit des changements importants, comme la digitalisation des procédures (notamment pour les virements internationaux et les garanties bancaires), qui facilitera grandement les échanges économiques.

Les innovations majeures du Code de 2026

Comptes en devises : démocratisation et diversification

Le principal changement concerne l’accès aux comptes en devises. Actuellement, seuls les professionnels ayant une activité génératrice de devises peuvent ouvrir ces comptes. Avec le Code 2026, les freelancers et les professions libérales pourront désormais ouvrir des comptes en devises pour recevoir des paiements internationaux. Cette réforme vise à soutenir l’économie numérique en Tunisie, en permettant aux travailleurs indépendants de mieux gérer leurs revenus.

Investissements directs étrangers : simplification des démarches

Le Code 2026 introduira une simplification des démarches pour les investissements étrangers. Les entreprises non-résidentes pourront investir en Tunisie sans les lourdes procédures actuelles. La création d’un statut permanent de non-résident pour les investisseurs étrangers facilitera également le rapatriement de leurs bénéfices.

Réformes pour les exportateurs

Les exportateurs bénéficieront d’une digitalisation des processus administratifs, notamment pour les démarches de domiciliation bancaire et de rapatriement des recettes. Ces mesures visent à réduire les délais et à simplifier les échanges internationaux.

Conclusion et recommandations pratiques

Le Code des changes 2026 marque un tournant dans la régulation économique de la Tunisie. Bien qu’il n’offre pas une libéralisation totale, il ouvre de nouvelles perspectives pour les startups, les freelancers, les investisseurs étrangers, et l’économie numérique en général. Les secteurs concernés par cette réforme, notamment les fintechs, les PME exportatrices, et la diaspora tunisienne, peuvent s’attendre à des changements profonds qui moderniseront la manière dont les transactions financières sont effectuées.

Il est recommandé aux entrepreneurs et investisseurs de commencer à se familiariser avec ces changements et de suivre attentivement l’évolution du projet de loi au JORT, afin de se préparer à l’entrée en vigueur du Code en 2026.

Code des changes actuel:

https://www.droit-afrique.com/upload/doc/tunisie/Tunisie-Code-2010-changes-et-commerce-exterieur.pdf

Leave a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *