Fiction : L’inventeur de l’impossible – Chapitre 1

SAMI
May 10, 2025 8 mins to read
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Prologue – Le souffle de l’avenir

Les rêves ne se nourrissent pas de la chance. Ils s’alimentent de décisions, de sacrifices, de poussière et de sueur. Mais les rêves n’ont de sens que lorsqu’ils viennent du plus profond de nous-mêmes, quand on les imagine contre tout ce qui semble possible, quand ils brisent les chaînes invisibles des doutes imposés par les autres.

L’histoire de Nassim Elbari ne commence pas dans un laboratoire sophistiqué ni dans le confort d’une université de renom. Elle commence dans une petite ville côtière, là où la mer et le sable se rencontrent, où la chaleur du soleil brûle plus fort que la lumière des idées. Il n’avait rien. Pas de richesse. Pas de réseau. Pas même une idée clairement définie. Mais il avait quelque chose que peu de gens possèdent : une conviction absolue que l’impossible n’était qu’une illusion, un spectre à chasser.

À l’époque, Nassim n’était qu’un étudiant parmi tant d’autres, noyé dans la masse d’une Tunisie en quête de réponses. Une Tunisie où les rêves étaient souvent étouffés avant même d’avoir vu la lumière. Une Tunisie où les histoires de succès étaient des légendes, des contes à raconter aux enfants mais que personne ne vivait. La plupart des jeunes se contentaient de suivre un chemin tracé, de devenir ingénieur, médecin ou fonctionnaire. Mais Nassim savait qu’il y avait autre chose, quelque part, au-delà de ce qu’on lui enseignait.

Il n’était pas là pour entrer dans une norme. Il était là pour la briser.

Les petites victoires sont souvent invisibles. Lorsqu’on commence à bâtir quelque chose de grand, personne ne regarde. Les premiers pas d’un inventeur ne sont jamais célébrés. On rit, on doute, on s’inquiète. L’histoire ne se souvient jamais des heures passées seul dans une pièce obscure, les mains couvertes de métal et de rouille, à lutter contre l’échec. Et pourtant, c’est là, dans ces moments-là, que naît le futur.

Nassim avait compris quelque chose que les autres ne voyaient pas encore : le futur ne se crée pas dans les bureaux climatisés des grandes entreprises, mais dans les garages, dans les ateliers, dans la solitude des esprits audacieux. La technologie, l’innovation, l’avenir ne sont pas l’apanage des grandes puissances. Ils sont entre les mains de ceux qui osent rêver sans limites, qui regardent au-delà des frontières imposées.

Et c’est là, dans l’obscurité d’un laboratoire improvisé, qu’il a inventé l’impossible.

Dans un monde figé par des règles anciennes, Nassim a décidé de les réécrire. Il a tracé sa propre voie, une voie semée d’embûches, d’obstacles et de trahisons. Mais il a persévéré. Car il savait qu’un jour, son nom résonnerait à travers le monde. Son thé révolutionnaire, né d’une idée folle, briserait les codes et redéfinirait la manière de vivre, de goûter et de rêver.

L’histoire qui suit est celle d’un homme qui a choisi de ne jamais renoncer, d’un homme qui a cru en l’impossible quand personne d’autre n’y croyait. Une histoire de passion, de courage et d’ambition.

Voici le récit de l’inventeur de l’impossible.

Chapitre 1 – Le Rêveur de Bizerte

L’odeur de sel marin flottait dans les couloirs de la Faculté des Sciences de Bizerte, portée par une brise méditerranéenne qui semblait ne jamais s’arrêter. Les murs étaient usés, les carrelages fissurés, les portes écaillées comme la peau après un long été. Les étudiants circulaient en silence, les épaules courbées sous le poids des livres, des attentes familiales, et d’un avenir incertain. Personne ne levait la tête. Ici, on survivait. Pas de place pour rêver.

Sauf pour Nassim Elbari.

Installé au fond de la bibliothèque universitaire, sur un vieux bureau bancal, Nassim tournait lentement les pages d’un magazine usé, en français, intitulé Bioentrepreneur. Il ne faisait même pas partie des collections officielles. Il l’avait trouvé, par hasard, caché derrière une pile de revues médicales poussiéreuses.

L’article racontait l’histoire d’un chercheur en biotechnologie aux États-Unis, qui avait levé soixante-dix millions de dollars pour lancer sa startup. Rien qu’avec un brevet et une idée.

Les lèvres de Nassim s’entrouvrirent légèrement. Son thé était froid depuis longtemps. Il ne s’en rendait même pas compte.

Soixante-dix millions ? Pour un rêve ?

Dehors, les vagues s’écrasaient contre les quais du port de Bizerte, comme un rappel brutal du lieu où il se trouvait. Dedans, quelque chose s’allumait. Un feu discret mais déterminé.

Il n’avait pas de plan d’affaires. Pas de réseau. Pas même une idée claire. Mais au fond de lui, quelque chose—profond, instinctif, presque sauvage—lui murmurait : Tu peux le faire toi aussi.

Ce murmure ne s’éteindrait plus jamais.

Le monde de Nassim était étroit. Il vivait avec ses parents dans un petit appartement à trois pièces, au deuxième étage d’un immeuble décrépi donnant sur une casse automobile. Son père, ancien instituteur, passait ses soirées affalé sur le canapé, à moitié endormi devant les infos. Sa mère, inlassable, cuisinait avec une précision presque militaire. Couscous, soupe, thé à la menthe… mais toujours avec une inquiétude permanente : Que va devenir notre fils ?

Chaque vendredi, Nassim partait pour la Cité des Sciences de Tunis, prétextant une “recherche académique.” En réalité, c’était un pèlerinage. Son trésor n’était ni les expositions, ni les laboratoires. C’était la bibliothèque. Silencieuse. Oubliée. Vivante.

C’est là, au fond d’une étagère bancale, qu’il découvrit le livre qui allait changer sa vie.
Créer votre startup.

Il l’ouvrit avec la dévotion d’un croyant découvrant un texte sacré.
La première phrase lui parut écrite rien que pour lui :
“Une startup est avant tout une manière de penser, pas une question de moyens.”

Il resta debout, figé, le livre en main, comme si on lui avait donné le droit de rêver.

Plus tard, dans le train de nuit vers Bizerte, il noircit les pages de son vieux cahier. Il n’avait pas encore d’idée précise, juste des fragments, des schémas, des sensations. Et une question : Et si je créais quelque chose de vraiment nouveau ? Quelque chose qui compte ?

Les autres passagers somnolaient, les têtes contre les vitres, bercés par le rythme du rail. Mais dans la tête de Nassim, une tempête grondait.

La révélation arriva une semaine plus tard, lors d’un cours sur la communication chimique entre plantes et insectes. Le professeur, indifférent, expliquait que certaines molécules aromatiques voyageaient à travers l’air sans se dégrader. “La nature n’utilise ni vapeur, ni solvants,” ajouta-t-il, “juste l’air ambiant.”

Le stylo de Nassim s’arrêta net.

Et si l’air suffisait pour extraire les arômes ?

Pas besoin de solvants. Ni de chaleur. Juste… l’air. Le même que l’on respire.

L’idée ne le quitta plus.

Il commença à rater des cours. Discrètement. Stratégiquement. Il passait ses journées sur des forums en ligne, à lire des articles sur la biomimétique, à regarder des conférences TED en cachette dans un cybercafé. Il n’en parlait à personne. Pas même à ses parents. Pas encore.

Son premier prototype, il le construisit avec un vieux ventilateur d’ordinateur, un boîtier en aluminium et du ruban adhésif. Il le cacha dans un placard sous l’escalier de l’immeuble.

Il choisit de tester… le clou de girofle.

Le résultat fut affreux. L’odeur était âcre, un peu brûlée. Mais elle était là.
Ça marche. C’est moche, mais ça marche.

Il rit. Seul. Fort. Comme un fou.

Et toujours, il garda le silence.

Dans son monde, l’ambition était un défaut. Un danger même. Les professeurs lui disaient d’être réaliste. Les camarades haussaient les épaules. Son directeur de mémoire refusa de lire ses notes.

Mais à chaque fois qu’on tentait de l’écraser, il retournait à son prototype, et respirait l’arôme du clou de girofle, suspendu dans l’air.
Ça sentait la révolte.

Le rêve avait commencé.
La Tunisie ne le savait pas encore.
Mais quelque part, dans un placard sous un escalier, un jeune homme sans argent, sans appuis, et sans permission, était en train d’extraire le futur—molécule par molécule.

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